ON ROUVRE

Je trépigne moi aussi ce matin en voyant les restaurateurs, l'affairement autour des terrasses. Je suis contente pour eux. Un petit café à 8 heures devant  ma télé, je ne suis pas à Paris. ils ont fini par prendre leur mal en patience depuis ce fameux 15 mars 2020. Obligé.

L'ouverture sous le temps gris du mois de mars qui s'étire, se prolonge, avec l'attente, on est déjà presqu'en juin, l'attente de la réouverture, les restaus, les cafés, on n'y croyait plus. Patience et longueur de temps c'est ce qu'ils ont cultivé le plus en un an. Ils sont un peu la température du pays. Sur un trottoir parisien,  au journaliste qui lui demande : "Alors vous allez faire des bénéfices aujourdhui." Guilaine répond  : « Non évidemment !  sinon ce ne serait pas drôle » avec un grand éclat de rire. Oui l'humour aussi il faut le cultiver parfois comme les aromates, les herbes de provence, dans les plats cela donne du goût, cela exite les sens, exacerbe les produits. Oui il ont pris l'habitude, quoi faire d'autre. Mais ce qu'il faut aujourd'hui c'est rouvrir pour le petit noir du matin, le déjeuner avec les potes, les brèves de comptoir, oui il faut rouvrir tout cela. Pour rire ensemble, parler du dernier film qu'on a vu, pour le partage avec les gens, on veut revoir le monde d'avant, maintenant.

En 2017 on nous promettait le monde d'après, le nouveau monde. Mais c'est quand le monde, tout simplement, le monde avec des gens dedans, des gens qui rient, des gens qui pleurent, des gens qui se rencontrent, pour la première fois, des gens qui partagent tout simplement, c'est quand celui là ? Le monde tout court celui d'aujourd'hui, le monde du moment, celui dans lequel on est bien dans lequel on fait des projets pour demain, dans lequel on danse le samedi soir. La vie quoi ! C'est quand celui là ?

Je ne sais pas pourquoi depuis un an, en face de ma télé en voyant les images le monde d'avant, m'a sauté à la gorge, il voulait sortir de ma plume, il me demandait pourquoi ? Qu'est ce que j'en sais moi ?

Le 15 mars 2020 je suis restée éberluée, ébétée, sur les dernières images des restaus qui ferment, figée, tétanisée, comme dans un dédoublement quand on vit quelque chose de trop dur. On se scinde en deux. On ne veut pas y croire. J'ai eu l'impression à ce moment là de revivre un épisode d'un monde ancien, un épisode que je croyais avoir oublié. Les liens hypertextes comme dit ma copine Babeth.

Parfois le temps s'étire, on fait un bond dans l'autre sens, on revient en arrière pour comprendre. Si tu ne sais pas d'où tu viens alors comment tu peux savoir où tu vas ? Il n'y pas d'ancien, il n'y a pas de nouveau, il y a juste le temps qui passe et qui parfois reste coincé, figé, quelque part à moins qu'on en parle. Pour le faire avancer le monde, il faut peut être le remonter le temps, pas faire machine arrière non, juste regarder où on était resté coincé, où tout avait basculé et pourquoi on en est arrivé là. Alors comme dans retour vers le futur on plonge pour voir qu'est ce qu'il aurait fallu changer. Comme dans une tranche napolitaine on essaie de se repérer. Le rouge le bleu, le vert, tien, il y a un manque ici. Oui  on avait oublié la pistache. Bon je ferai  attention pour le prochain.

Ce sera quoi aujourd'hui la pluie, le beau temps ? Ce sera le temps d'aujourd'hui avec une empreinte du temps d'hier, comme les experts on est tous devenu Sherlock Holmes en an, l'important c'est de réouvrir, pour le partage, les brèves de comptoir,  la vie quoi ! c'est cela le plus important. 

Une belle journée à tous les restaurateurs et à ceux qui attentent toujours. Juste quelques jours de patience encore.

Nincha

Aux petits bonheurs et aux grands aussi